
S’il y a une chose que le potager m’a appris, c’est l’importance de bien connaître le contexte dans lequel on essaye de faire des choses. Cela s’applique à bien plus que les activités horticoles, bien sûr, mais le travail de la terre est une bonne école.
Le contexte du potager, c’est la nature de la terre, le climat, l’altitude, mais aussi l’agriculture traditionnelle du coin, les usages historiques de la terre qu’on envisage de cultiver. Les pratiques modernes de la permaculture ou de l’agriculture biologique sont des ressources extrêmement riches pour bien travailler son potager, mais elles ne peuvent s’appliquer qu’en s’adaptant au contexte avec ses particularités et ses limites.
Notre petite vallée n’est pas particulièrement propice à la culture de légumes : la terre est acide, hydromorphe, pentue, et peu profonde. Les fortes pluies lessivent le sol et l’humidité favorisent les limaces, véritable plaie pour le potager! Ici on amenait les bêtes pâturer dès l’apparition de l’herbe, les bergers passaient l’été dans des petites cabanes et plus tard dans des granges, faisaient le foin une fois le bétail monté plus haut, et stockaient le lait en attendant qu’on vient le chercher pour le descendre dans la vallée plus bas. Pourtant, il y avait aussi quelques plantations, de pommes de terre, d’oignons, un peu de seigle peut-être, un carré de potager pour aider à nourrir le berger. On voit encore les traces de cette culture dans les vieux outils trouvés dans les granges : un chausse-patate, une vieille charrue…
Je n’avais pas la possibilité d’apporter d’ailleurs de grandes quantités de terre, il fallait faire avec ce qu’il y avait sur place, en essayant d’aménager de petites parcelles plates en creusant des terrasses étroites dans la pente, en collectant de l’humus dans la forêt, du crottin dans les près, en paillant régulièrement, en apportant le compost généré par la maison et les branches coupées et broyées sur le terrain. Chaque année, petit à petit, le potager s’agrandit, la profondeur de la terre augmente, la qualité du sol s’améliore, et la récolte devient plus importante.

Tandis qu’au début le potager se cantonnait à un petit espace un peu caché au bout du terrain, je sème maintenant un peu partout là où la terre s’y prête. Devant la maison, courgettes, potirons, pâtissons, et patates se sont mêlés cette année aux capucines et aux petits fruits qui entourent les pommiers. Cette partie cultivée reçoit une alimentation riche grâce au système de géo-épuration installé dans le verger.

Derrière la maison, profitant du muret qui délimite le chemin communal et qui apporte un peu de chaleur à la bande de terre à ses pieds, la ciboulette et l’épinard bon-henri partagent leur espace avec quelques courges et courgettes.
A côté de la cabane à outils, consoude et rhubarbe, framboises et cassis peuplent la pente.
Et contre le mur sud de la grange, des pieds de tomates qui contre toute attente continuent à faire mûrir de beaux fruits!
Les terrasses du potager initial se sont remplies cette année de courges, haricots, maïs, pommes de terre, courgettes, chicorée, panais, carottes, radis, moutarde, roquette, salades. Il y a même quelques zuchetta, courge sicilienne qui ont bien voulu s’adapter à un climat bien différent de celui de leur pays!



D’autres espaces se sont ouverts autour des terrasses, un coin à topinambours, une véritable forêt de framboisiers, un espace pour quelques artichauts et des pieds de rhubarbe, de la sauge. Entre les plantations et tout autour, les natives donnent l’exemple d’une croissance vigoureuse : reine-des-près, menthe, ortie, origan, thym, graminées de toutes sortes, renouées, rumex, ronces, petits saules, noisetiers, et frênes.

J’ai planté beaucoup d’autres choses au départ, mais tout ne réussit pas, et même les plantes qui ont porté leurs fruits l’ont fait avec plus ou moins d’abondance! Les conditions étant plutôt rudes, il faut planter beaucoup pour récolter un peu, et essayer de récupérer un maximum de graines pour le cycle suivant, dans le but de créer des variétés adaptées au contexte et résistantes.

Côté nuisibles, 2017 fut une année d’invasion de rongeurs, dû à un hiver particulièrement doux et sec. Certaines plantations ont été décimées par des mulots affamées, notamment les petits pois dévorés en mange-tout avant même la formation des graines.
En ce qui concernent les limaces, nous avons adopté trois canards coureurs indiens qui se sont nourris goulûment tout autour du potager, et à qui j’ai apporté les limaces récoltées dans mes plantations. Au bout de deux mois les limaces ont quasi disparu, elles ne menacent donc plus la récolte.

D’autres améliorations sont en préparation pour l’année prochaine : un petit étang à truites au-dessus des terrasses qui pourrait irriguer le potager d’une eau riche en fertilisants naturels (et amuser les canards!), ainsi que de la greffe sauvage sur les aubépines, merisiers et prunelliers de la vallée pour tenter d’adapter pommes, poires, cerises, et prunes aux conditions de notre montagne. De belles choses en perspective!
Nous ne sommes pas encore au stade où le potager suffit à approvisionner la maison en légumes toute l’année, et je ne sais pas si ce sera un jour le cas, mais un bel équilibre pourrait s’installer entre le potager et la cueillette sauvage, avec un peu d’échange de provisions et services avec les voisins de la vallée plus bas, et l’achat d’autres produits locaux au marché du samedi. Une certaine autonomie avec juste ce qu’il faut d’interdépendance locale!



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