Les rigoles de montagne

traces d’anciennes rigoles à restaurer sur le plateau du Hourc

Le Hourc participe à un grand projet collectif autour du système traditionnel d’irrigation par canaux qui sillonnait, et qui sillonne encore à certains endroits, les pentes de nos montagnes, réseau ingénieux mis en place et géré par les usagers pour assurer une herbe grasse pour le bétail et un approvisionnement en eau pour les habitants. Aujourd’hui, face à la sécheresse qui tous les ans s’aggrave, même dans nos régions habituellement humides, ces canaux appelés localement rigoles représentent une solution intelligente pour maintenir les nappes phréatiques et le niveau des rivières sur tout le territoire, ainsi qu’un accès à l’eau pour tous les usagers, équitablement.

Le projet réunit plusieurs acteurs, dont l’OAPHB, l’Université de Versailles (Paris time machine), le CAUE, le Club alpin français, Pierre des Esclozes, Les rigoles de Gaye, Les sentiers de Campan, et le Hourc. Il s’appuie sur les connaissances des habitants passionnés par l’histoire de leur montagne, les repérages faits par les associations, et les techniques cartographiques et les recherches des universitaires, mais aussi sur les expériences menées ailleurs, notamment en Espagne (les acequias), où des systèmes similaires existent et ont été partiellement réactivés.

« A chaque fois, le principe est le même : en transportant l’eau sur une faible pente tout en inondant les champs adjacents, l’acequia va recharger les aquifères et rejaillir plus tard, plus bas dans les rivières, sans que se soit produit une évaporation notable. En chemin, l’eau filtrée par le terrain régénère les sols, maintient leur fertilité et régule leur salinité, évitant l’avancée de l’érosion. » (Steven Morales, chercheur en hydrogéologie, Université de Grenade)

Ces canaux régulent aussi la température de l’eau et servent de coupe-feu en cas d’incendie.

Dans les Pyrénées on parlait de « engraisser la terre », c’est-à-dire d’inonder le sol pendant les crues de l’hiver, moment où la végétation est dormante, permettant à l’eau d’être absorbée par les nappes phréatiques tout en préparant la terre pour la repousse du printemps.

Les rigoles étaient gérées collectivement par les usagers qui constituaient des syndicats de l’eau, répartissant l’eau équitablement selon les besoins des habitants et assurant le bon fonctionnement du système (nettoyage, débouchage, réparations). Tout le monde était responsable de la quantité de consommation, la propreté et la bonne répartition de ce bien commun.

Aujourd’hui, une prise de conscience collective et la reprise de la gestion des ressources pourrait éviter la capitalisation de l’eau et son accaparement pour des usages irresponsables, tout en mettant en avant l’intérêt commun de cette ressource pour l’écologie, le maraîchage, l’élevage, le pastoralisme, la foresterie, le tourisme et les loisirs, depuis le château d’eau que sont nos montagnes, et jusqu’aux océans.

« Seul un engagement populaire sur le long terme pour préserver le territoire peut apporter la stabilité politique et sociale nécessaire à la conservation de la richesse biologique »

Le sens des lieux, Gary Snyder